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L’année 2024 est marquée par de multiples élections, autant d’occasions pour un nombre important de pays de choisir un projet politique. Après l’Inde de Narendra Modi, au printemps, ce sera au tour des Etats-Unis, à l’automne. En Chine, il n’y a pas d’élections mais un anniversaire : les 75 ans de la République populaire. Il sera célébré en grande pompe le 1er octobre et marquera aussi l’affirmation d’un « modèle », celui porté par le président Xi Jinping. L’apparente constance de la Chine ne doit pas éclipser la manière dont elle est en train de changer.
Les contours du projet sont connus, ils ont été posés noir sur blanc dans un document présenté à l’issue du troisième plénum, qui a réuni du 15 au 18 juillet les 376 membres permanents et suppléants du comité central du Parti communiste chinois. C’est déjà lors d’un plénum qu’en 1978 Deng Xiaoping avait fait entériner la politique de réformes et d’ouverture, tournant majeur pour la Chine, son économie, sa société, mais aussi pour le reste du monde, dont elle allait devenir le principal partenaire commercial. Or le texte, qui n’a été rendu public que dimanche 21 juillet, dessine une tout autre Chine.
Le parti unique veut s’atteler à certains déséquilibres internes, aider les ruraux à bénéficier des services publics en ville, réformer la fiscalité pour que les provinces et villes qui ont porté les chantiers d’infrastructures aient les ressources adéquates. Il envisage également de réformer le système des retraites.
Ces réformes sont non négligeables. Mais, pour le reste, il s’agit surtout d’une Chine refermée, qu’il faut préparer aux antagonismes avec les puissances jugées hostiles, c’est-à-dire les Etats-Unis et leurs alliés. Ses industries doivent être « autonomes » et les ressources stratégiques, telles que les minerais indispensables à la transition énergétique, stockées. La science et la technologie sont mises au service d’un « système coordonné et hautement efficace de protection de la sécurité nationale ». Le sentiment d’appartenance nationale des minorités doit être « parachevé », les religions encore davantage sinisées.
Il a fallu, pour amener son pays sur cette trajectoire, que le président chinois lui impose un certain nombre de ruptures. La première a consisté à rester au pouvoir, en faisant voler en éclats en 2018 la limite à deux mandats présidentiels perçue comme un garde-fou depuis les souffrances du maoïsme. Au même moment, un million de Ouïgours étaient internés dans des camps d’endoctrinement, une répression désinhibée. La fermeture prolongée au monde extérieur durant les années de pandémie a également contribué à façonner un pays plus isolé.
Le soutien politique et commercial que la Chine apporte à la Russie depuis le début de son invasion de l’Ukraine est une autre rupture fondamentale. Elle n’allait pas de soi, d’autres voix chinoises considérant que l’intérêt du pays était encore, pour assurer son ascension et son rattrapage technologique, de maintenir des relations acceptables avec l’Occident.
Le changement actuel, enfin, consiste à opter pour le soutien aux industries, à la production, à tout miser sur la course technologique. Ce choix crée des déséquilibres majeurs sur le plan macroéconomique mondial et se fait au détriment des consommateurs-citoyens, qui craignent de ne plus voir leur niveau de vie progresser comme le promettait le « rêve chinois » du début de premier mandat de M. Xi. Mais le président chinois considère qu’en politique la fin justifie les moyens. La trajectoire pour la Chine, sous ses auspices, est maintenant fixée. Le reste du monde est prévenu.
Le Monde
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